L’album décrit à merveille l’émotion que peut procurer un plat préparé à la perfection. Peeters, qui a contribué à éditer en France « Le gourmet solitaire » de Taniguchi, transmet avec la même simplicité que l’auteur japonais son enthousiasme pour la bonne chère. Il revient aussi longuement sur son amour de la littérature, notamment sa relation privilégiée avec Roland Barthes, qui valida le dépôt de son mémoire universitaire Sur « Les bijoux de la Castafiore ».
Quelque part cette autobiographie intime m’a rappelé l’album « Extases » de Jean-Louis Tripp. Comme chez Tripp, on découvre la fascination d’un homme pour un sujet (le sexe pour l’un, la cuisine pour l’autre) qu’il souhaite explorer dans toutes ses dimensions. Le regard porté par Peeters sur son parcours et son éducation culinaire est aussi modeste que sincère. L’hommage appuyé aux grands chefs qui ont croisé sa route montre à quel point il se sent redevable (et privilégié) d’avoir pu côtoyer de telles personnes et surtout d’avoir pu manger à leur table. Au-delà, il souligne que la cuisine est avant tout une histoire de partage et de rencontres, et que le plaisir peut être le même derrière les fourneaux que devant l’assiette.
Graphiquement, Aurelia Aurita donne dans la simplicité. Son dessin enjoué reste au service du texte sans jamais chercher à en faire trop et l’idée de ne mettre en couleur que les plats ou les ingrédients est une trouvaille qui permet de rappeler que ces derniers sont finalement les éléments centraux du récit.
Un album mitonné aux petits oignons, à savourer sans modération (ok, cette phrase de conclusion archiconvenue ne vole pas haut mais c'est le week-end alors je me permets de céder à la facilité).
Comme un chef de Benoît Peeters et Aurélia Aurita. Casterman, 2018. 216 pages. 18,95 euros.